Des musiciens tels des bonimenteurs de foire, entourés d’une multitude d’instruments comme autant de curiosités, jouent une partition qui résonne des influences des musiques populaires d’Europe, de Russie et d’Orient pour raconter cette histoire étrange de trois poupées animées par un vieux charlatan. « Il y avait la ballerine. A ses côtés, il y avait le Maure. Son aspect somptueux la séduira. Il sera bête et méchant. Et puis il y avait Pétrouchka. Beaucoup plus sensible et doué que les deux autres il souffrira davantage. Il ressentira avec amertume son esclavage, sa laideur et sa solitude.»
Quelques gestes, acrobaties et facéties, des regards, des didascalies qu’un régisseur indiscret livre au public, font naître le fourmillement de la foire, ses joies, ses dramuscules.
Vouloir transcrire le Pétrouchka de Stravinsky pour cinq instrumentistes ressemble à un coup de folie. C’en est un assurément ! et il ne peut conduire qu’à une complète re-création (récréation ?) de la partition.
En abandonnant les ors de l’orchestre stravinskien nous avons créé une sorte de monde déglingué, d’ « arte povera », comme un retour à l’imaginaire sonore de Stravinsky où quatre cors deviennent un harmonica (à moins que ce ne soit le contraire). Cette transcription s’appuie délibérément sur le cocasse et l’insolite, usant de tout ce qui dans une paire de mains peut générer un son : jouets d’enfants, vieux ustensiles, instruments oubliés ou bas de gamme… sans négliger : un violon, un piano, une flûte, un violoncelle et un hautbois.
Ce travail de réduction a finalement rendu plus visible encore la dimension étonnamment théâtrale de l’œuvre.
« En composant cette musique, j’avais nettement la vision d’un pantin subitement déchaîné qui, par ses cascades d’arpèges diaboliques, exaspère l’orchestre, lequel, à son tour, lui réplique par des fanfares menaçantes. Il s’ensuit une terrible bagarre qui, arrivée à son paroxisme, se termine par l’affaissement douloureux et plaintif du pauvre pantin. Ce morceau bizarre achevé, je cherchai pendant des heures en me promenant au bord du Léman, le titre qui exprimerait en un seul mot le caractère de ma musique et, conséquemment, la figure de mon personnage. Un jour je sursautai de joie – Pétrouchka ! l’éternel et malheureux héros de toutes les foires, de tous les pays. C’était bien ça. »
Igor Stravinsky – « chroniques de ma vie »
« La partition de Stravinsky sert habituellement de support à la narration de Pétrouchka. Dans la tradition des ballets russes, la pantomime chorégraphiée permet au spectateur d’appréhender l’intrigue du conte.
Pour la mise en scène de l’adaptation musicale du Piano Ambulant le projet est tout autre. La musique est au centre du spectacle. Les instrumentistes non seulement « joueront » musicalement la pièce, mais aussi, la « joueront » théâtralement en mettant tout en oeuvre pour que l’intrigue soit comprise des spectateurs. Leurs instruments, loin d’être une limitation -et c’est là l’enjeu du projet- feront naître de multiple « trouvailles » scéniques. Le spectateur pourra alors laisser son imaginaire aller en écoutant la partition, le « geste » des musiciens devenant un élément visuel et dramaturgique fondamental de notre représentation.»
André Fornier
Création 2008
Théâtre-Musical
Musique de Igor Stravinsky
Tout public à partir de 6 ans
Durée 1h
Mise en scène : André Fornier
Transcription : Le Piano Ambulant
Scénographie : Pierre-Yves Boutrand
Costumes : Céline Pigeot